Hanjibang project
Depuis 2018
Hanjibang veut dire "une chambre de papier coréen", sa dimension est de 9,28m2 avec 2,3m de hauteur. Jangpan-ji (Hanji épais vernis de l'huile d'haricot) est appliqué au sol et le papier peint en Hanji est collé au mur. Ces papiers créent une ambiance douce de l'espace.
Intitulé « Hanjibang project », le projet que j'ai conçu spécifiquement pour mon nouvel atelier à Ambilly se veut comme un espace-temps à part entière, comme une œuvre d'art in progress. Il vise à explorer les différents aspects du temps à l'aide d'outils variés tendant à repositionner le passé, le présent et le futur.
Depuis trois ans, je me suis intéressée au papier artisanal coréen qui a été utilisé comme papier pour les arts mais aussi comme fenêtre, vêtement, papier peint, tapisserie au sol ou encore dans les serres. J'ai eu envie de valoriser ce papier qui vit jusqu'à 1000 ans en créant un espace qui ne dépend pas de l'écoulement du temps, mais qui dépend de l'Annaké – la destinée, la nécessité et la fatalité.
Ce projet s'inscrit dans une démarche globale qui cherche à marquer un espace d'attente, d'hésitation et de pause. Ces attitudes tendent à trouver « une qualité du temps » en laissant une trace de mes présences, créant comme une fissure du temps.
Par le dessin, la performance, l'installation ou la vidéo, je souhaite évoquer un « parfum du temps ». L'expression est employée par le philosophe Han Byung-Chul, pour qui notre société contemporaine a perdu la capacité d'apprécier « le caractère parfumé éphémère » du temps. Selon le philosophe, l'accélération ne nous permet pas de « nous attarder sur les choses » et « l'histoire disparaît désormais au profit des informations », qui « n'ont ni durées, ni ampleur narrative. Elle ne sont ni centrées, ni orientées. Elle nous tombent dessus en quelque sorte. » Pour ainsi dire, « les informations n'ont pas de parfum ». Le temps contemporain est atomisé par ce flux d'informations à travers lequel nous ne faisons que zapper d'un événement à l'autre. Nous sommes toujours entourés des bruits ne rendant pas compte de notre volonté.
Pour le « Hanjibang project », j'envisage de développer cette notion de « parfum du temps » à travers différents matériaux : le Hanji (le papier coréen fabriqué à partir de pâte de mûrier à papier ), le Yo (le matelas coréen épais posé directement
au sol), l'eau, l'argile, des instruments de musique, des instruments de dessin et le corps présent. Les matériaux comme le Hanji et le Yo sont signifiants pour moi dans le sens où ils rappellent une époque ancienne où le rythme était plus lent. Je souhaite par ailleurs travailler avec le Hanji moins pour son utilisation pour la calligraphie et la peinture orientale que pour l'architecture. Ce papier à mûrier s'utilise de la même manière que le verre d'une fenêtre ou porte. Laissant entrer la lumière du jour, il a une excellente capacité à laisser circuler l'air entre l'intérieur et l'extérieur de la chambre. Les matériaux cités ci- dessus me permettraient de travailler sur la notion de l'attente, l'hésitation, la pause, l'entre-temps et la juxtaposition de deux temporalités – celle de l'artiste et celle des regardeurs. Avec ce projet, j'essaye de relayer in progress un espace couvert de papier Hanji en me consacrant aux micro-événements, de laisser des traces de ma présence telles des reliques, de créer un espace-temps à contre-flux.
Avec les matériaux évoqués ci-dessus, je transformerai cet espace en espace virtuel. Je souhaite en effet enregistrer des images grâce à la caméra 360° et les diffuser en direct via internet. J’envisage également une projection des images en direct dans un espace public, lieu d'exposition ou autre.